Recherches en Histoire du christianisme ancien et médiéval (ERCAM)
Le projet de recherche 2024-2028 de l’ERCAM s’inscrit pleinement dans le thème fédérateur de l'équipe pour le quinquennat premièrement parce qu'il porte tout d’abord sur les textes fondateurs, avec une référence particulière aux origines du christianisme et à l'établissement de la fixation normative-doctrinale à la fin de l'Antiquité et à l'époque médiévale, deuxièmement parce qu’il s’intéresse à la fixation normative des traditions doctrinales/exégétiques connexes au christianisme ancien et médiéval, et troisièmement parce que ses recherches sont particulièrement attentives à la nécessaire complémentarité des langages et des compétences — en l'occurrence littéraire et exégético-théologique — afin de comprendre pleinement les phénomènes socio-culturels tels quel les textes poétiques, liés à certains faits religieux (pas seulement chrétiens).
Dans le prochain quinquennat, cette sous-équipe, composée de trois membres statutaires et d’une trentaine de membres associées à ses activités, s’intéressera prioritairement aux sujets suivants :
DOMAINES DE RECHERCHE
SUJETS PRIORITAIRES
§ L’histoire des doctrines théologiques et de l’exégèse chrétienne dans l’Antiquité (Ier-Ve s.).
§ Controverses christologiques et trinitaires entre Nicée (325) et la question des « Trois Chapitres » (VIe s.)
§ Théologie patristique (IIe-Ve s.), notamment les débuts de la théologie mariale
§ Exégèse patristique des évangiles
§ Poésie théologique et biblique de la littérature chrétienne ancienne en langue latine et grecque (IIIe-VIIe s.)
§ Édition, traduction, commentaire des textes poétiques chrétiens (grecs ou latins) de IVe-VIIe s.
§ Éditions et commentaires des textes grecs et latins de l’Antiquité chrétienne (IVe-Ve s.).
§ Édition, traduction, commentaire des ouvrages d’Ambroise de Milan
§ Étude des traditions relatives aux grandes figures du christianisme des origines.
§ Histoire de la constitution d’un corpus d’Écritures chrétiennes et de la formation du canon néotestamentaire.
§ Traditions et/ou textes (notamment apocryphes) portant sur les apôtres ou disciples
§ Histoire de la formation du canon néotestamentaire
§ Histoire de la philosophie et de la théologie médiévales.
§ Controverses intellectuelles (XIIIe-XVe s.)
§ Traditions intellectuelles des Dominicains et des Franciscains (XIIIe-XVe s.)
§ Circulation des savoirs en Occident latin (XIIIe-XVe s.)
§ Angélologie médiévale (XIIIe-XVe s.)
§ Histoire de la spiritualité du Moyen Age tardif.
§ L’œuvre de Jean Gerson (XVe s.), en particulier sa poésie latine et son œuvre spirituelle et doctrinale
En outre la recherche de cette équipe est étroitement liée à deux grands projets à la réalisation desquels les membres se consacreront également dans le quiquennat, en rapport avec les actions de l’UR 4377 en général et la recherche particulière de chaque membre. On se réfère à l’implication de ses membres dans la recherche et la formation à la recherche (DU HiSAAR qui a démarré dans l’année académique 2021-2022, et dans le cadre duquel ils ont organisé déjà plusieurs événements) de l’ITI HiSAAR (M. Cutino est l’un des trois responsables), notamment dans les actions phares de son axe 1 « Textes, intertextualité et tradition » centré sur le textes fondateurs des religions, sur leurs interactions génétiques, et sur les processus qui ont amené à la constitution des traditions fixées et normées dans le cadre de chaque religion. Les membres sont aussi pleinement impliqués (M. Cutino est fondateur et directeur pour toute la durée de la première forme de convention jusqu’à 2025) dans le GIRPAM, « Groupe International de Recherche en Poésie de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge », rassemblant les équipes et les chercheurs les plus importants au niveau européen et extra-européen qui s’occupent de ce domaine, ainsi que toutes les équipes strasbourgeoises en SHS, à travers 4 axes de recherche, « Transmission et circulation des textes tardo-antiques et médiévaux », « Poésie doctrinale et théologique », « Réflexions poétologiques et réception de la poésie », « Société et communication », que les tutelles du site, en lien avec le CNRS, ont transformés en GIS international par une convention pour une première période de 5 ans, de 2021 à 2025. À travers cette entreprise, le laboratoire se situe dans l’établissement comme véritable pôle d’attraction d’une recherche internationale sur une perspective novatrice, celle des intersections entre d’une part le langage éminemment littéraire, celui de la poésie, d’autre part l’exégèse biblique et la réflexion théologique, intersections qui peuvent donc se développer pleinement en une faculté de théologie catholique.
Plus spécifiquement la recherche sera articulée autour de trois pistes fondamentales :
-Poésie, bible et théologie entre Antiquité Tardive et Moyen-Âge
M. Cutino se concentrera tout d’abord dans la réalisation des actions programmatiques prévues dans le projet PoBLAM, « Poésie Biblique Latine de l’Antiquité Tardive et du Moyen-Âge », dont il est le porteur principal avec les Faculté de Lettres Classiques de Wuppertal et d’Erlangen, dans le cadre de l’appel FRAL ANR-DFG 2021. Ce projet qui vient d’être financé pour une période de 3 ans – démarrage le 1 mars 2022, fin 28 février 2025 – bénéficiant d’un montant de 600 000 euros environ pour la réalisation d’un grand nombres de livrables et d’événements sur le thème, est l'action la plus importante à ce stade parmi les initiatives mises en place par le GIRPAM. Et l’une des actions-phares du projet PoBLAM est justement une nouvelle édition critique avec traduction et commentaire des sept poèmes qui composent l’Heptateuchos en vers nous transmis sous le nom d’un Cyprien, pour laquelle M. Cutino a constitué un important groupe international de recherche au sein du GIRPAM, dont les perspectives vont être illustrées par un recueil d’essais sur certains poèmes qui va être publié dans la collection Extra Seriem du CSEL (publication prévue en 2023). M. Cutino s’occupera de l’introduction générale de cette édition collective et consacrera ses attentions en particulier au poème de l’Exode, jusqu’ici tout à fait négligé.
En outre, en ce qui concerne l’étude de la poésie chrétienne ancienne, M. Cutino va publier son édition commentée de la Laus Iohannis anonyme en vers (fin IVe-début Ve s.). Il se consacrera aussi à l’approfondissement des questions relatives à l’originalité de l’exégèse et de la théologie ambrosiennes à propos de passages bibliques particuliers, et en rapport aussi avec leurs sources grecques, ainsi qu’à l’étude littéraire et stylistique des œuvres de l’évêque milanais examinées pour elles-mêmes, ce qui inclut la finalisation des éditions critiques auxquelles il travaille, à savoir celles du De Patriarchis et du De Ioseph sur lesquels il a déjà produit les premières études complètes. Mais l’ouvrage le plus important dans ce volet d’intérêts ambrosiens auquel M. Cutino travaille, est sans aucun doute la nouvelle édition critique avec introduction et commentaire de la Vita Ambrosii de Paulin de Milan, que, reprenant des matériaux laissés inachévés par Y.M. Duval († 2007), il a été chargé de mener à bien par Brill pour la collection Supplementum Vigiliae Christianae, et dont il a donné recemment un aperçu à l’occasion d’un colloque sur les rapports entre Ambroise et Augustin.
-Des origines du christianisme à la stabilisation normative-doctrinale post-Nicée (325)
En ce qui concerne Ch. Guignard, au cours du prochain quinquennal, sa recherche personnelle devrait pour l’essentiel se déployer selon trois axes déjà en cours depuis quelques années.
Premièrement, plus directement en lien avec le thème fédérateur « L’esprit et la lettre », il souhaite continuer d’explorer les commentaires latins des évangiles, en s’intéressant à la fois à leur exégèse et à la façon dont elle relie lectures littérale et spirituelle (allégorique) ou privilégie l’une ou l’autre, et à leur dimension historique, notamment en lien avec les débats dogmatiques autour de la Trinité au ive siècle. Hilaire de Poitiers et Fortunatien d’Aquilée resteront au centre de son attention, mais il compte également travailler sur Chromace d’Aquilée (en collaboration avec Agnès Bastit [Université de Lorraine], en vue de la publication en « Sources chrétiennes » de son commentaire sur Matthieu) et sur l’Opus imperfectum in Matthaeum.
Deuxièmement, il compte poursuivre son travail sur les listes grecques et d’apôtres et de disciples. Le but premier reste d’en donner une nouvelle édition critique, espérant avoir l’occasion dans les années à venir de compléter sa documentation relative à la tradition manuscrite grâce à une mission dans les bibliothèques des monastères du Mont Athos. Il n’exclut pas, cependant, de prolonger ces recherches par un élargissement en direction des « listes » iconographiques des apôtres, à savoir les représentations du collège apostolique, et leurs liens éventuels avec les listes littéraires.
Troisièmement, il a l’intention de continuer ses travaux sur la figure de la Vierge Marie au iie siècle, en particulier sous les angles suivants : l’ascendance davidique que lui attribuent très largement les sources de cette époque, la traduction exégétique de cette conviction dans l’interprétation de la généalogie de Luc 3, 23-38 comme généalogie maternelle de Jésus, et l’émergence du parallèle entre Éve et Marie.
En complément, il souhaite porter à terme deux projets plus modestes : d’une part la publication de la traduction française de l’Éloge funèbre de Jean Chrysostome par le Pseudo-Martyrios d’Antioche pour les « Sources chrétiennes » (en collaboration avec Martin Wallraff et Marie-Ève Geiger [LMU Universität München]) ; d’autre part, l’édition diplomatique du Papyrus de Hambourg pour la nouvelle édition des Actes de Paul dans la « Series Apocryphorum » du « Corpus Christianorum » (en collaboration avec Jean-Daniel Kaestli [Université de Lausanne] et alii).
-Bible, culture et réflexion philosophico-théologique au Moyen-Âge
Enfin I. Iribarren, pour le prochain quinquennal, se propose d’articuler sa recherche autour de deux axes principaux, issus de chantiers en cours. L’œuvre de Gerson servira de point focal pour diffracter son étude sur les lectures et usages de la Bible à travers le Moyen Âge classique et tardif.
a) Bible et culture du livre au Moyen Âge latin
Premièrement, du point de vue de la culture du livre, I. Iribarren s’attachera à étudier la réception de la Bible en tant qu’objet qui provoque des mutations dans les pratiques et les modalités de lecture (savante et institutionnelle, dévotionnelle et intime, collective et liturgique) et dans les postures codifiées face à l’écrit (scriptor – compilator – commentator – auctor). Dans une culture où prime la literacy, les modes d’appropriation du texte par la lecture et par l’écriture constituent des facteurs de différentiation sociale (clercs, maîtres universitaires, dévots, aristocrates, visionnaires, moines…) dont ce programme vise à élucider l’évolution, en se focalisant sur le Moyen Âge tardif et la première modernité, tout en restant ouvert à une perspective plus large qui remonterait aux premiers siècles de la période médiévale. Caractériser les pratiques lisantes et les rôles énonciatifs que suscite le texte sacré revient à en décrire les modes d’appropriation, mais aussi les façons diverses de concevoir la notion d’auctoritas à une période où le savoir apparaît comme un processus à la fois conservatoire et cumulatif, dans une perspective de prolongement et d’actualisation. Ces pratiques sont indissociables de la dimension proprement matérielle de la Bible, objet qui dans son contenu et sa structure dit un procès de fabrication (manuscrit ou imprimé) qui dépend des conditions techniques, économiques et culturelles propres à une période. Un lieu privilégié pour mener à bien cette réflexion est le De laude scriptorum (1423) de Gerson, dont elle se propose d’achever dans les prochaines années l’édition critique annotée et commentée, avec traduction. Composé vers la fin de la vie de son auteur alors que celui-ci se trouvait en exil à Lyon, ce traité constitue un témoin emblématique des préoccupations de Gerson comme auteur et agent culturel, mais surtout de la place qu’occupe la Bible, par sa fonction archétypale, dans la culture du livre et de l’écrit au Moyen Âge latin.
b) Bible, connaissance expérientielle de Dieu et pratique du discernement
Deuxièmement, dans une perspective épistémologique, il s’agira d’étudier la Bible comme lieu théorique de réflexion sur l’interaction entre trois modes archétypaux de connaissance : la Révélation, la raison et l’expérience. En effet, le récit biblique, par le fait même d’une Parole transcendante qui se donne aux hommes, combine ces trois modes de façon inédite : il s’agit-là d’une donnée surnaturelle qui exige une élaboration rationnelle constamment renouvelée et mise en éveil par l’expérience religieuse. Gerson fournit encore une fois une porte d’entrée privilégiée à la question. La notion d’« expérience intime » d’ordre surnaturel (experientia intima beatae unionis) développée dans son œuvre de théologie mystique et traitée dans une autre perspective dans ses écrits sur le discernement des esprits, sollicite des procédés argumentatifs qui relèvent à la fois du donné révélé, de l’explication discursive et du témoignage d’une expérience. Ce deuxième volet de recherche se propose donc de désamorcer les oppositions binaires qui ont traditionnellement structuré l’histoire intellectuelle aussi bien du Moyen Âge que de l’époque moderne (foi et raison / raison et expérience / ordre naturel et ordre surnaturel), pour favoriser et entretenir une relation ternaire entre des modes de connaissance se rapportant tous à la Bible comme source et référent, comme contexte narratif et historique, et comme critère de validité. À titre heuristique, I. Iribarren propose de donner aux expériences visionnaires répertoriées au Moyen Âge le statut d’objets historiques, en revisitant l’œuvre spirituelle de Gerson et ses traités sur le discernement des esprits à travers le prisme de l’histoire des lectures et usages de la Bible.