Axe « Théologie systématique: Sacramenta fidei (B. Dumas, S. Milazzo, Ph. Vallin)

Intention générale

Parmi la variété possible des biais de théologie systématique qui introduisent à la synthèse de la foi catholique ‒ révélation, Trinité, christologie, pneumatologie, ecclésiologie ‒ les enseignants- chercheurs de la section ont choisi de scruter méthodiquement la sacramentalité. Elle représente un point de convergence des sources, des discours et de l’agir chrétien où la recherche doit trouver à caractériser l’acte de foi lui-même des disciples du Christ : « Quare fidei sacramenta dicuntur » (VATICAN II, Sacrosanctum Concilium, n° 59).

Puisque la théologie systématique n’oublie pas qu’elle organise le système des procédures inductives de la théologie fondamentale, qui entend fonder la crédibilité de la foi, avec les procédures déductives de la théologie dogmatique, qui veulent établir la logique interne des contenus de foi, notre recherche ne cessera de combiner un questionnement sur la crédibilité extérieure, sur la crédibilité publique même, des sacrements en lien avec la cohérence christologique, pneumatologique et ecclésiologique propre au dogme chrétien.

Par-delà la performance des concepts qui a toujours motivé la recherche spéculative de la théologie catholique, le domaine de la sacramentalité devra nous inviter à repérer, à déchiffrer, à exploiter la performance spécifique de l’ordre symbolique où s’inscrit l’intelligence de foi par la puissance émotive, affective, et collective de la médiation corporelle. Ici, les sacrements du christianisme savent qu’ils entrent en comparaison, pour des assonances comme pour des dissonances, avec toutes sortes de pratiques religieuses que l’histoire des religions et l’anthropologie étudient avec un soin descriptif et un recul méthodologique dont la théologie confessionnelle doit recueillir les savants résultats.

La recherche en théologie sacramentaire est sans doute un biais nécessaire de toute faculté de théologie. Il semble, par surcroît, que notre époque doive regarder cette perspective comme un biais urgent pour l’intelligence de la foi, s’il est vrai que la sécularisation tend à décomposer la communauté de célébration sacramentelle en décomposant, pour ainsi dire, l’assiduité symbolique, avec ses grandes dimensions temporelles, corporelles, et politiques. Il sera donc indispensable à notre entreprise de se lier avec des entreprises scientifiques analogues, par exemple à l’Institut Catholique de Paris, ou à l’Area di teologia sacramentaria du Pontificio Istituto Giovanni Paolo II (Rome).

Constitution de l’équipe de recherche en théologie systématique

Notre travail de recherche nécessite une pluralité d’approches disciplinaires, et c’est pourquoi notre équipe de théologie systématique (3 membres) s’est augmentee d’un canoniste de la faculté et d’un théologien de la liturgie, chargé de cours. L’année prochaine, elle bénéficiera aussi des apports d’une collègue, promue récemment docteur en théologie et spécialiste de l’éthique du mariage. Un doctorant qui commence une recherche sur le mariage comme consécration devrait se joindre à nos travaux.

L’exposition publique des pratiques sacramentelles, en effet, a toujours requis leur habilitation et leur réglementation juridiques, dans le cadre du droit civil comme dans le cadre du droit canonique ecclésial, l’articulation du premier avec le second ayant connu des figures variées au gré des figures elles aussi variées dont se revêt l’association de l’État avec les religions en général et avec la religion catholique en particulier. La liturgie, de son côté, est le lieu théologique où se vérifie le mieux l’extension symbolique de la sacramentalité, mais aussi le lieu où elle peut se disperser et s’altérer dans une métaphorisation, parfois idéologique, de toute façon subalterne.

Programme du quinquennium

2018-2019 : nous nous arrêterons l’année prochaine sur le sacrement de mariage et la conjugalité. Nous aurons à examiner notamment les domaines et les débats où se circonscrivent et se discutent deux perspectives anthropologiques combinées dans le sacrement : 1/ l’anthropologie de la corrélation et de la responsabilité affective et sexuelle ; 2/ l’anthropologie de l’engagement.

2019-2020 : en prévision du colloque de 2020, nous étudierons spécifiquement les relations du champ des pratiques sacramentelles avec le champ politique. Il n’est pas indifférent à l’exercice de la dignité citoyenne, par exemple, que le diacre Karl Leisner, « Victor in vinculis », ait été ordonné prêtre à Dachau le 17 décembre 1944, dans une cérémonie patiemment organisée et camouflée, avant de mourir le 12 août 1945, au lendemain de la libération du camp. Le rôle du dimanche dans la gestion temporelle de la cité serait un autre exemple de la résistance spirituelle à l’homogénéisation de la société par le régime invasif du travailleur/consommateur, opposé au régime de la sociabilité symbolique et métaphysique.

2020-2021 : nous reviendrons aux fondations dogmatiques de la sacramentalité dans une considération renouvelée de la christologie des sacrements. L’enquête biblique, patristique, et liturgique cherchera à représenter les inductions élaborées à partir des phénoménalités du Christ dans le N.T., et qui ont présidé à la tradition des phénoménalités sacramentelles : registre symbolique du repas, du repas de noces, des noces de l’Agneau, du sacrifice de la Pâque juive, de la fête eschatologique ; registre symbolique de la maladie, des infirmités, de la guérison, du miracle de guérison, de l’abstention des miracles. Il s’agira de comprendre le cadrage des moyens finis, accordés à la proportion humaine du Fils de l’homme, avec leurs effets infinis, accordés à la puissance infinie de celui qui est confessé Fils de Dieu. Il s’agira aussi, par conséquent, de dépasser l’ordre commun de la symbolique religieuse pour atteindre à l’ordre institué de la sacramentalité spécifique à la foi chrétienne.

2021-2022 : en prévision du colloque de 2022 sur « L’anthropologie de René Girard et l’efficience sacramentelle », nous nous efforcerons de dégager sur frais nouveaux les liens qui forment l’articulation de la sotériologie chrétienne avec la sacramentalité. Comment penser ensemble la logique de l’iniquité résolue dans la figure expiatoire du bouc émissaire en lequel, en somme, elle se dissimule pour s’excuser, avec la logique du sacrifice du Christ où l’iniquité est exhibée pour être accusée, confondue et pardonnée ? Comment le septénaire sacramentel met-il en œuvre ce retournement de la symbolique résolutive de l’iniquité, par où l’anthropologie chrétienne entend se démarquer du tout au tout de la loi générale des sociétés humaines établie par l’anthropologie de René Girard ? Le problème est, en termes pascaliens, de saisir la dialectique des « figures », qui sont seulement des figures d’une efficience différée, avec les « sacrements » de l’efficience christique, lesquels ne sont pas sans tenir non plus à l’esthétique nécessaire de leur forme.

Colloques prévus

Comme c’est dans le séminaire de master et de DSTC (licence canonique) que se proposent les sujets et les débats utiles à la formation des étudiants, c’est aussi à partir du séminaire que nous nous proposons de construire nos projets de colloques et de publications :

  1. Colloque international en 2020 sur « Sacramentalité et politique ».
  2. Colloque international en 2022 sur « L’anthropologie de René Girard et l’efficience sacramentelle ».