Axe Philosophie (Ph. Capelle-Dumont, I. Destefani-Moulin, E. Tourpe)

La recherche philosophique qui s’exerce dans le cadre d’une Faculté de Théologie doit favoriser le dialogue avec les autres rationalités telles les sciences et l’art. Elle y privilégie des thématiques disciplinaires ou interdisciplinaires qui prennent en compte l’histoire du christianisme et son rapport à la théologie. Elle a également à cœur d’identifier des lieux de réflexion permettant de répondre aux interrogations contemporaines.
Les projets soutenus par l’axe de recherche philosophique sont portés par trois enseignants :

Philippe Capelle-Dumont, professeur, chercheur en philosophie de la religion, en phénoménologie et en métaphysique
Isabelle Moulin, maître de conférences, chercheur en philosophie antique et patristique, en philosophie de la religion et en philosophie esthétique
Emmanuel Tourpe, docteur Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) en philosophie, chercheur en philosophie de la religion et en métaphysique.

Et se déclinent selon 5 axes principaux :

1) Le rapport de la religion et de la ritualité, ce dernier concept étant entendu dans son sens proprement philosophique. Projet 2019-2020 avec un congrès et une publication.

  • 4e congrès de la Société francophone de philosophie de la religion à Columbia U, New York, « Religion et ritualité ». Deux conférences (dont l’introductive) de Ph. Capelle-Dumont. 20-23 septembre 2019.
  • Publication de « Religion et ritualité » dans la collection « Philosophie de la religion », dirigée par Y. Courtel et Ph. Capelle-Dumont aux Presses universitaires de Strasbourg.

2) La question du théologico-politique est au cœur des débats actuels.

Elle interroge la place de la religion dans notre société et son rapport avec l’État. Elle implique également une mise en œuvre du dialogue interreligieux, sur la base d’une rationalité philosophique commune, discursivement et historiquement (acculturation médiévale des auteurs arabes et juifs).

Cet axe sera développé tout au long du quinquennat (2018-2022), notamment dans deux cours de Master.

  • Séminaire M2 de Philosophie de la religion (Ph. Capelle-Dumont) : Le théologico-politique à l’heure de la mondialisation de l’interreligieux.

Les rapports entre le théologique et le politique ont connu une relative stabilité en France et en Europe dans la plus grande partie du 20è siècle. Mais sous la pression conjuguée et récente de la massification migratoire, l’internationalisation du fanatisme religieux, l’émergence de modèles dits « identitaires », la volonté de retour d’anciennes idéologies d’empires et l’arrivée de nouveaux dossiers éthiques, leurs équilibres anciens se trouvent fragilisés voire rompus tant au plan théorique que pratique. Une telle situation en plein bouleversement oblige à penser à frais nouveaux et à l’échelle mondiale, la relation théologico-politique en tant que question à la fois politique et théologique.

Ce séminaire cherchera à ressaisir le conflit entre les « messianismes » contemporains issus de traditions philosophiques et/ou religieuses ; il s’efforcera également de mettre en regard les manières dont le religieux questionne, ou parfois ratifie, les nouveaux totalitarismes. Il étudiera ensuite les différents modèles de reconnaissance politique du religieux actuellement mis en œuvre. Puis il cherchera à percer la spécificité de chacune des trois religions improprement dites « du Livre » à l’égard du théologico-politique. Enfin, il ouvrira la réflexion sur les schèmes fondamentaux de l’eschatologie, de l’espérance et de la promesse placées au croisement de ces problématiques restituées, reprenant ainsi au terme du parcours le point départ messianique, mais augmenté de toutes les réflexions forgées en chemin.

(Année 2018-2019) Réinvestissements messianiques de la « Modernité, de la « postmodernité » et de la « Néo-modernité ». Transferts conceptuels et redéfinitions politiques de l’histoire.

(Année 2019-2020) Totalisations idéologico-politiques et totalisations politico-religieuses. Analyses critiques du présent théologico-politique à l’échelle mondiale.

(Année 2020-2021) Différenciations religieuses et reconnaissance politique. Modèles contemporains du dialogue politique avec les religions.

(Année 2021-2022) Judaïsme, Islam et christianisme à l’épreuve de la question théologico-politique.

Publication relative à la recherche ci-dessus :

- Ph. Capelle-Dumont & Danielle Cohen-Levinas, Judaïsme et christianisme dans la philosophie  contemporaine, Cerf, 2020

  • Cours M2 Théologie des religions (I. Moulin), dans le cadre du Master interreligieux.

L’objectif du cours est de réfléchir sur la notion de théologie des religions, en lien avec les interrogations issues de la philosophie de la religion. Quelles sont les conditions pour penser une théologie des religions ? A quelles conditions une telle réflexion est-elle possible ? Sont abordées les questions du monothéisme, de l’unicité et de la transcendance de Dieu, de la relation du croyant à Dieu et de la pratique religieuse en ouvrant sur la question du mal et de la violence.

3) La philosophie de la religion : la philosophie française au XXème siècle.

La philosophie de la religion, dont la discipline s’est largement développée depuis trois décennies, s’est encore trop peu arrêtée sur les grands jalons qui, au sein de la philosophie française, ont inspiré nombre de ses trajectoires contemporaines. Par les deux axes de recherche ci-dessous proposés, on tentera de combler cette lacune par une reprise historique de la question et par la relecture critique de l’un de ses représentants éminents.

Cet axe sera développé tout au long du quinquennat dans les cours, et donnera lieu à un colloque en 2020, assorti d’une publication.

  • Cours M2 Philosophie spiritualiste française (Ph. Capelle-Dumont et E. Tourpe)

Le « spiritualisme français » est un terme générique qui regroupe plusieurs tendances influentes de la philosophie française du début du XIXe siècle jusque le début de la seconde partie du XXe siècle. Il se constitue au départ comme un dépassement de l’Idéologie et de Condillac par une analyse minutieuse des faits intimes et de l’effort chez Maine de Biran. Il se déploie ensuite dans de multiples figures ou écoles : philosophie de l’action, philosophie réflexive, philosophie de l’esprit, personnalisme. Culminant avec la collection Esprit chez Aubier, cette galaxie d’intentions comporte des noms aussi prestigieux que Ravaisson, Grétry, Lagneau, Lavelle, Blondel, Le Senne, Madinier, Nédoncelle, et même le jeune Ricoeur ou un Claude Bruaire. Le spiritualisme français, oblitéré par les débats existentialistes, phénoménologiques, structuralistes, marxistes ou postmodernes de l’après-guerre reste pourtant une ressource majeure pour la philosophie et la théologie du XIe siècle. Peu de chercheurs l’envisagent comme un tout et ont entrepris de reconstituer sa genèse, ses directions, sa cohérence ou sa fécondité. C’est là l’objet de notre recherche, laquelle précisément veut rendre à l’histoire de la philosophie la mémoire scientifique de l’une des plus profondes contributions françaises à la pensée.

  • Colloque de philosophie de la religion sur la pensée de Claude Bruaire et son héritage : « La force de l’esprit dans la métaphysique de Claude Bruaire. Liberté. Désir. Langage ». 1er semestre de l’année universitaire 2020-2021. Deux journées organisées par Ph. Capelle- Dumont, Isabelle Moulin, Emmanuel Tourpe.

Lieu : Université de Strasbourg, en partenariat avec la Faculté de philosophie de l’Institut catholique de Toulouse. Collaboration en projet avec la faculté de théologie de Cluj (Transjordanie ).
La pensée de Claude Bruaire apparaît de plus en plus comme l’une des contributions  majeures de la philosophie française à la fin du 20e siècle, aux côtés de celles de Ricoeur, Levinas ou Marion. Inscrite dans la lignée de Husserl et de Heidegger, mais aussi celles de Hegel, du dernier Schelling et de Ravaisson, elle affronte de façon originale les questions fondamentales de la métaphysique : celle de Dieu au premier chef, dont il rappelle le droit imprescriptible d’être pensé en raison ; celles de la liberté, du langage mais aussi du désir dont il explore la réciprocité et les conditions d’apparition à une époque marquée par les maîtres du soupçon et la philosophie analytique ; celle de l’être, qu’il entend penser à partir de l’être affirmé, confirmé, donné ; celle du corps, réfléchi à partir de la responsabilité qu’implique un tel être-d’esprit.
L’ « ontodologie », c’est-à-dire la philosophie de l’être comme esprit et don, est au cœur de ce dispositif inédit où sont convoqués et relus la dernière philosophie de Schelling, les intuitions les plus fécondes de la philosophie française de l’action, ainsi que le « Concept » hégélien. Encore impensée dans sa puissance d’interrogation propre et dans ses implications, l’ « ontodologie » de Bruaire mérite une relecture systématique, pour le bénéfice de la réflexion théologique, philosophique et éthique, en attente d’une métaphysique de l’amour.

Ce colloque se fixe ainsi trois objectifs : faire mémoire de la richesse thématique et de la profondeur spéculative d’une pensée d’exception ; en relever la fécondité pour les questionnements présents ; apprécier tout particulièrement sa conception du corps. Si celui-ci a toujours été pensé, dans l’histoire des idées philosophiques, en référence une autre instance (l’âme, la conscience, l’esprit, le sujet), l’intelligibilité, ainsi que l’a montré Claude Bruaire avec une force inédite, a été déterminée par une conception de l’Absolu et, corrélativement, par une conception du salut.

Le colloque conjoindra plusieurs disciplines directement concernées : métaphysique, anthropologie, théologie naturelle, philosophie religieuse, théologie trinitaire et éthique médicale.

4) Philosophie patristique

Dès l’avènement du christianisme, s’est posée la question du rapport entre la disposition de foi et la rationalité issue du monde grec. Entre refus et assimilation, repli et acculturation, les premiers apologètes chrétiens n’ont pu rester indifférents à une culture philosophique qui les avait largement précédés. Fallait- il libérer la « vérité captive » (Rom 1, 18-25) ou au contraire s’approprier « l’or volé des Egyptiens » ? S’appuyer sur le stoïcisme et le platonisme ambiant ne permettait-il pas de créer une nouvelle philosophie chrétienne ? Héritiers des Pères apostoliques, les Pères de l’Église, qui ont dû faire face aux hérésies et affermir le dogme, ont délibérément choisi d’articuler foi et raison chacun à leur manière et selon leur culture propre.
La constitution d’une philosophie chrétienne, en particulier dans sa dimension métaphysique ; la pluralité des rationalités dans le contexte d’une pluralité religieuse ; la conception de l’homme dans un cosmos qui n’est plus donné mais créé, issu d’une volonté amoureuse et manifestant la beauté de Dieu ; tels sont les thèmes qui seront développés dans cette visée.

  • Colloque international : « Philosophie et Théologie de la Beauté chez les Pères de l’Église » 28-29 novembre 2019. Organisé par Isabelle Moulin et Michele Cutino.
    Lieu : Université de Strasbourg. Publication (2021-2022). Le colloque donnera lieu à une publication à paraître aux Presses Universitaires de Strasbourg en 2021-2022.

Malgré un colloque qui a donné lieu à deux publications de cahiers dans la collection « Connaissance des Pères de l’Église » ainsi que quelques ouvrages isolés, portant notamment sur saint Augustin, la question de la beauté chez les Pères de l’Église n’a été à ce jour que peu étudiée, sans doute parce qu’il ne s’agit pas d’une thématique facilement identifiable dans leurs écrits. Au premier abord, la beauté apparaît d’ailleurs de manière particulièrement négative. D’emblée en effet, la beauté est critiquée pour sa fausseté, sa séduction, la fascination qu’elle exerce sur les esprits. Associée à la vaine gloire, elle détourne le croyant de la recherche de la véritable espérance.Trop matérielle, elle dirige l’attention sur le corps, plutôt que sur l’âme. Elle est, finalement, trop visible et cette visibilité fait écran pour la contemplation du Dieu invisible et indicible.

Pour autant, la beauté, dans son aspect positif, est loin d’être négligée par les Pères, même si elle doit être cherchée de manière plus indirecte. On se souvient en effet de cette exclamation d’Augustin, dans Les Confessions, « Bien tard, je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai aimée ! », cri d’amour du nouveau converti en extase dans le jardin de Milan. L’amour pour la beauté spirituelle, la recherche de la trace visible du divin dans la matérialité qu’il a créée,la paix qui résulte de la contemplation de l’harmonie du monde transforme l’excès de visibilité et de matérialité en aspiration au divin.

Il y a donc une ambivalence de la conception patristique de la beauté qui est déjà inscrite dans la contemplation du visage du Christ : tandis que le Psaume 44 célèbre « le plus beau des enfants des hommes », et que l’épisode de la Transfiguration, si cher aux Pères grecs,nous décrit la splendeur du Christ, Isaïe nous rappelle qu’il « était sans apparence ni beauté qui attire nos regards » ; mais également dans celle du monde : la Genèse marque la beauté de l’univers, le livre de la sagesse ouvre la via pulchritudinis, mais elle est nuancée par la pesanteur de l’enveloppe périssable et la tentation de l’idole. Une telle ambivalence n’est cependant pas le fait des Pères, mais de la beauté elle-même, qui, détachée du bien, se transforme en fascination. Sans négliger l’importance de cette ambivalence, le colloque a cependant pour vocation à relever, dans les textes des Pères, les éléments positifs de la beauté. Le contexte philosophique dans lequel évoluent les Pères a, de toute évidence, exercé une influence déterminante sur leur conception de la beauté, en particulier le rapport du beau au bien (kalokagathie) et l’amour qui porte le désir vers les réalités les plus hautes (philocalie). Mais l’héritage philosophique ne peut se substituer à la méditation de l’Écriture et la formation de l’esprit théologique. La beauté de la rhétorique s’efface derrière la beauté des Écritures ; la beauté du monde est d’abord la beauté de l’acte créateur ; le visible n’est que le marchepied de l’invisible ; la beauté du Christ est d’abord la beauté du visage de Dieu, en particulier pour la tradition hésychaste ; la beauté des gestes et paroles est d’abord la beauté liturgique qui a pour vocation de célébrer Dieu ; la beauté de l’image est celle qui est véritablement image de Dieu, l’homme, et en particulier l’ascète, peut-être le seul véritable artiste.

La question que ce colloque souhaiterait dès lors poser est celle du rapport entre la conception philosophique et culturelle de la beauté et la dimension théologique des écrits des Pères. Pour certains Pères, il est possible de relever des sources directes entre le milieu culturel et la rationalité dans laquelle l’auteur évolue et la rédaction de son œuvre ; pour d’autres, le rapport se construit sans référence possible ni identification d’une source mais par une influence indirecte, parfois difficile à définir. Cinq lieux feront l’objet d’une exploration plus approfondie : après une distinction conceptuelle du vocabulaire grec (καλός, εὐπρεπής, εὐειδής, εὔμορφος, κόσμος) et latin (pulcher, aptus, formosus, decorus, speciosius), a) l’amour du beau et le désir du bien (dimension « philocalique », notamment dans la réception des dialogues de Platon comme Ion, le Banquet, le Phèdre, la République et leur réinterprétation par Plotin) b) la beauté dans son rapport au bien (kalokagathie et philosophie morale) c) la « parure du monde » (kosmos kosmou) issue des conceptions cosmologiques grecques et qui s’expriment dans les textes bibliques à travers la via pulchritudinis d) le beau logos, à fois beauté du langage (amour des Écritures et poésie théologique) et de la rationalité, habitée par le Christ.

Il s’agira donc de relever les notions et concepts associés à la conception philosophique de la beauté, de réfléchir aux éléments de la rationalité à l’œuvre dans ces textes et de rechercher ou d’infirmer tout lien avec la dimension théologique de la beauté chez les Pères.

5) Philosophie de l’art

  • Matinée de Conférences. Organisée par Isabelle Moulin. Lieu : Université de Strasbourg. En partenariat avec le Collège des Bernardins : « Mimésis, représentation et vérité en art ». 14 décembre 2018.
  • Journée d’étude en philosophie de l’art. Organisée par Isabelle Moulin en collaboration avec Anca Vasiliu (directrice de recherche au CNRS, Centre Léon Robin, Paris). Lieu : Université de Strasbourg. Echéance : 1er semestre de l’anneée universitaire 2021-2022.

Dans le monde culturel contemporain, on insiste beaucoup sur la question de la liberté en art : la liberté artistique est revendiquée, à juste titre, comme un droit fondamental de la création. Elle est aussi considérée comme fondement et source de liberté pour les autres et la société. Dans ce contexte, il pourrait sembler absurde de poser la question de la nécessité en art. Cependant certains artistes, comme W. Kandinsky, ont posé comme principe la « nécessité intérieure » pour désigner leur entreprise artistique, voire toute représentation de l’art. En quoi une nécessité intérieure de l’artiste serait-elle compatible avec une liberté, non moins nécessaire ?
La nécessité qui est posée n’est donc plus seulement celle des matériaux extérieurs, règles ou conventions académiques qui s’imposeraient à l’artiste, mais une nécessite du sujet qui s’exprime dans la représentation et se découvre dans la composition. C’est la nécessité formelle du sens qui impose une « mise en ordre » des éléments dans la représentation.
Interroger cette « nécessité », sa définition, ses contours, pour déterminer si une telle réflexion pourrait apporter des éléments de discernement sur la question de la liberté en art, dans l’art et grâce à l’art est l’objectif principal de cette journée. Une telle nécessité n’intervient pas seulement au niveau de l’artiste, mais également à la culture à laquelle il participe et l’interrogation artistique qu’il porte en lui.
La journée d’études sera en lien avec le cours prévu en philosophie de l’art (2020. Isabelle Moulin).

  • Note sur la contribution de l’axe « Philosophie » à la recherche sur le thème fédérateur de l’EA : le corps. Le colloque sur Claude Bruaire (voir ci-dessus) réservera une matinée (sur deux journées) à la question du corps chez celui-ci, problématisée au carrefour de l’anthropologie et de la métaphysique.