Histoire

Une institution originale

Une faculté séculaire

Dans le paysage universitaire français, la Faculté de Théologie Catholique de Strasbourg, fondée en 1902, est une institution originale à plus d’un titre :

  • À cause de son histoire, elle est la seule Faculté de Théologie Catholique française bénéficiant d’une double reconnaissance par l’État et le Saint-Siège.
  • En raison de son statut, par un accord avec le Saint-Siège, elle délivre aussi des diplômes canoniques.
  • Parce qu’elle est intégrée dans une université française, elle a pour mission l’enseignement, la recherche et la formation selon les critères académiques en vigueur en France.

Préhistoire

Une Faculté de Théologie catholique naît à Molsheim en prolongement du collège jésuite, fondé par l'archiduc Léopold de Habsbourg, évêque de Strasbourg, au début du XVIIe siècle. Transférée à Strasbourg en 1701, l'Université épiscopale disparaît avec toutes les universités d'Ancien Régime en 1793. Le décret impérial de 1808 qui crée les Facultés de Théologie catholique d'État ignore l'Alsace. Ces Facultés d'État n'ont jamais été reconnues par le Saint-Siège et sont supprimées en 1885.

5 décembre 1902 - Fondation de la « Katholisch-theologische Fakultät »

Après de longues négociations, le Bavarois Georg von Hertling parvient à conclure un véritable concordat particulier entre le Saint-Siège et l'empire allemand de Guillaume II, la Convention diplomatique du 5 décembre 1902. A côté de la Faculté de théologie protestante existant au sein de la Kaiser-Wilhelms Universität, il s'agit de fournir au clergé catholique une formation à égalité avec le corps pastoral. Les autorités allemandes veulent germaniser ce clergé, rétif à la domination prussienne en Alsace-Lorraine depuis 1871. Le Saint-Siège a obtenu les garanties  présentes dans les règlements des Facultés de Bonn et de Breslau (Wroclaw). Conclue sous Léon XIII, la Convention est appliquée par Pie X (bref Cum venerabilis, septembre 1903), le pape reconnaît la canonicité des diplômes : la première rentrée a lieu en octobre 1903.

1919-1924 - Rétablissement et reconnaissance

Lors de la création en 1919 de l'Université française de Strasbourg, le sort de cette Faculté est incertain. Rome redoute un possible foyer d'accueil pour les modernistes, une partie de l'administration républicaine veut supprimer tout particularisme alsacien. Pourtant le gouvernement, spécialement le Commissaire Alexandre Millerand, opte pour le maintien de la Faculté d'État, influencé par Louis Canet bientôt premier conseiller aux affaires religieuses au Quai d'Orsay. Ami de Loisy, ce catholique d'État a œuvré avec Mgr Victor Martin, doyen de 1923 à 1945, pour obtenir la pleine reconnaissance de la Convention de 1902 (échange de lettres Poincaré-Ceretti de 1923) dont la traduction légale est le décret de mai 1924. La même année intervient la reconnaissance canonique des diplômes de l'Institut de droit canonique, créé par Mgr Martin en 1920. Le Séminaire international, Collège universitaire des Clercs étrangers (1922), constitue le troisième élément de l'ensemble, au service du rayonnement de la France vers l'Europe orientale et le Proche-Orient ; un collège Saint-Basile a même été chargé, entre 1927 et 1939, d'accueillir des clercs de confession orthodoxe.

L'épreuve du "repliement à Clermont-Ferrand" 1939-1945

La Faculté, comme toute l'Université de Strasbourg, est évacuée et fixée à Clermont-Ferrand (Royat) dès l'automne 1939. Elle se maintient malgré la pression nazie toujours plus forte sur le gouvernement de Vichy, pour disperser "l'Université de Strasbourg en repliement à Clermont-Ferrand". Dans l'Alsace annexée, les deux Facultés de Théologie ont été supprimées de la Reichsuniversität établie en 1941 : tout comme le régime concordataire, la Convention de 1902 est rejetée dans un territoire dont le Gauleiter Wagner entend faire un exemple de l'Allemagne nazie victorieuse. La Libération permet le retour à Strasbourg et la rentrée universitaire s'ouvre en 1945 avec le Doyen Michel Andrieu.

Institut de Théologie catholique (loi du 26 janvier 1984) au sein de l'Université Marc-Bloch

A la suite de l'éclatement de l'Université unique en 1970 et de la création de l'Université des Sciences Humaines, devenue Université Marc-Bloch, la Faculté a pris le statut d'institut d'université en 1984 qui lui garantit une certaine autonomie, dans le respect des dispositions de la Convention de 1902 qui lie désormais la République française et le Saint-Siège. Après une montée en puissance des religieux pendant les années 1960-1970, le public, composé autrefois pour la quasi totalité de clercs et particulièrement de séminaristes, est aujourd'hui majoritairement formé par des laïcs, hommes et femmes. Outre l'Institut de Pédagogie religieuse, dont la matrice remonte à 1962, et l'École théologique du soir en partenariat avec la Faculté de Théologie protestante, le souci de ce nouveau public a conduit à l'expérience du Service de formation théologique continue (SERFOTHEC) entre 1973 et 1978, et depuis cette date à un Enseignement à distance qui s'adresse à des étudiants de toute l'Union européenne.

Faculté de Théologie catholique (article L 713-9) au sein de l'Université de Strasbourg

Avec la création de l'Université des Sciences Humaines (1970), devenue Université Marc-Bloch, la Faculté a pris le statut d'institut autonome d'université en 1984, dans le respect des dispositions de la Convention de 1902 qui lie désormais la République française et le Saint-Siège. Le public, composé autrefois pour beaucoup de séminaristes avec une part de religieux, est aujourd'hui majoritairement formé par des laïcs, hommes et femmes. Outre l'Institut de Pédagogie religieuse (1962), le souci de ce nouveau public a conduit à l'expérience du Service de formation théologique continue (SERFOTHEC 1973-1978), puis à un Enseignement à distance qui s'adresse à des étudiants de toute l'Union européenne et au-delà. Le regroupement des trois universités strasbourgeoises aboutit au premier janvier 2009. La Faculté retrouve son nom, tout en gardant le même statut d'autonomie au sein d'une université qui est bien différente, par la taille déjà, de celle de 1970.

Luc PERRIN

Pour aller plus loin

Revue des Sciences Religieuses, n°1, janvier 2004 consacré au Centenaire de la Faculté
F. Robardey, "Louis Canet, figure d'un catholique d'État au XXe siècle" contribution consultable en ligne.